clelie

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Clélie, histoire romaine – Tome 5/10 – Herminius

Madeleine de Scudéry

138 x 204 mm – 146 pages – Texte – Noir et blanc – Broché

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UGS : 9782355833373-1-1-2 Catégories : , ,

Description

Tome 5 sur 10

L’ensemble des 10 tomes de Clélie, histoire romaine, a été publié entre 1654 et 1660, signé par le frère de Madeleine de Scudéry.
Cette présente édition de 2022 rassemble le texte intégral de ce roman précieux publié en plein âge baroque. Seuls certains termes ont été actualisés et certains aspects de la structure du texte modernisés, restant au plus près du texte original tout en favorisant sa lecture.

 

 

Aronce était sans doute le plus malheureux de tous les hommes, d’être prisonnier d’un prince que la Fortune avait abandonné, d’un prince qui était son rival. Mais il se trouvait encore plus malheureux par la cruelle pensée qu’Horace menait Clélie à Rome. Ce n’est pas qu’il ne fût bien aise qu’elle ne fût plus sous la puissance de la cruelle Tullie, ni sous la tyrannie de Tarquin mais c’est qu’il n’y avait rien de si rigoureux pour lui que de penser qu’Horace redonnait la liberté à Clélie. Il est vrai que s’il eût su ce qui se passait dans le cœur de cette belle personne, il eut été consolé, car encore que mille raisons dussent lui donner de la joie d’aller à Rome, il y avait pourtant des instants où elle avait un extrême chagrin de voir que c’était Horace qui l’y conduisait. Elle appréhendait même qu’Aronce et lui n’en vinssent aux dernières extrémités, quoiqu’Horace fût infiniment obligé à Aronce, et lorsqu’elle s’imaginait qu’elle allait revoir en un même lieu Aronce, Horace et le Prince de Numidie, elle appréhendait encore mille malheurs car elle ne comprenait pas, après avoir vu combattre si vaillamment son cher Aronce dans la cour du palais de Tullie, qu’il pût être hors de Rome. Elle craignait quelquefois qu’il ne fût blessé, et même qu’il ne fût mort, de sorte que de si cruelles pensées ne la laissaient pas jouir en repos de la douceur que la liberté de sa patrie et sa propre liberté lui devaient donner. Pour Horace, la joie de voir Tarquin détruit, Rome délivrée, et sa maîtresse en sa disposition, occupait si fort son cœur, qu’il fut quelque temps sans se souvenir qu’il n’était point aimé et que son rival l’était. À la fin, ayant tourné les yeux sur le visage de Clélie qui rêvait alors profondément et qui rêvait avec beaucoup de marques de tristesse, il s’imagina qu’Aronce était l’objet de sa rêverie. Si bien que rappelant en un moment dans sa mémoire toutes ses marques de tendresse que cette belle fille avait données à son rival en diverses occasions, et toutes les cruelles choses qu’elle avait faites contre lui, l’assiette de son esprit changea tout d’un coup et ce qui faisait sa joie un instant auparavant, augmenta même sa tristesse. En effet, quand il vint à s’imaginer qu’en ramenant Clélie à Rome, il la ramenait en un lieu où il pensait trouver Aronce à qui il devait la vie, il en eut le cœur sensiblement affligé et il ne s’en fallut guère qu’il ne changeât de dessein, et qu’il ne se retrouvât dans les mêmes sentiments où il avait été autrefois, lorsqu’il avait enlevé Clélie le jour de cet effroyable tremblement de terre et lorsqu’il l’avait défendue contre le Prince de Numidie sur le lac de Trasimène. Mais quand il se souvenait que cette violence lui avait acquis l’aversion de Clélie, que depuis cela il avait été plus malheureux qu’auparavant, et qu’Aronce n’avait touché le cœur de cette admirable fille que par la grandeur de sa vertu, il demeurait ferme dans la résolution qu’il avait prise de ne vouloir plus songer à détruire Aronce dans son esprit, par nulle autre voie qu’en tâchant, s’il était possible, d’être encore plus vertueux que lui. Ainsi il se trouvait que Clélie et Horace pensaient à Aronce, quoique ce fût par des motifs bien différents et qu’Aronce pensait à Horace et à Clélie, avec des sentiments qui ne se ressemblaient, non plus que les deux passions qui les faisaient naître. Il est pourtant certain qu’ils n’avaient qu’une même cause car si Aronce n’eût point eu d’amour pour Clélie, il n’eût point eu de haine pour Horace. Horace de son côté eût tendrement aimé Aronce si Aronce n’eût pas aimé Clélie et Clélie eût eu de l’amitié pour Horace, si elle n’eut pas été sensible à l’amour d’Aronce. Mais ce qu’il y avait de rare était que le Prince de Numidie tout brave et tout bien fait qu’il était, était moins haï de ses rivaux qu’ils ne se haïssaient entre eux, parce qu’ils ne croyaient pas qu’il eût nulle part à l’affection de Clélie. Pour Tarquin, il avait dans le cœur tout ce que l’ambition malheureuse et vindicative peut inspirer de plus cruel, et tout ce qu’une amour méprisée et une jalousie effroyable peuvent faire sentir de plus rigoureux. Mais parmi tout cela, il avait de la fierté et de la grandeur de courage et l’on peut dire qu’en tombant du trône il était pourtant demeuré debout car au milieu de tant de chagrin, il pensait avec assez de fermeté aux remèdes qu’il pouvait chercher à de si grands maux et il trouvait aussi quelque douceur à tenir en sa puissance le seul amant aimé de Clélie. Il espéra même que cela lui pourrait servir à remonter au trône, de sorte que ce malheureux prince, qui par le seul souvenir de tous ses crimes devait craindre que l’avenir ne fût encore plus fâcheux pour lui que le présent, ne laissa pas d’espérer et d’aller vers Tarquinie avec une fermeté qu’Aronce même ne pouvait s’empêcher d’admirer.

Pendant que ce fier tyran et cet illustre prisonnier allaient à Tarquinie qui était tout contre Ceres, Horace avec ses gens conduisait Clélie et Plotine à Rome, comme je l’ai déjà dit. En y allant ils virent une femme bien faite au bord d’un petit bois, qui apercevant tant de gens à cheval se voulut cacher, n’ayant avec elle qu’un vieux pasteur qui lui servait de guide et dont on connaissait la condition parce qu’il avait sa houlette à la main. Si bien que cet objet donnant de la curiosité à Clélie à cause que ses malheurs lui avaient enseigné à plaindre ceux des autres, elle regarda attentivement cette femme qui avait voulu se cacher lorsqu’elle avait aperçu une si grande troupe de gens. Mais à peine eut-elle attaché ses yeux sur cette personne que la montrant à Plotine elles crurent voir Cefonie. Clélie faisant alors un grand cri en appelant Horace par son nom : « Eh ! de grâce, lui dit-elle, faites que cette femme que vous voyez revienne à Rome avec moi, elle ne me discerne sans doute pas au milieu de tant de gens de guerre, elle fuit une amie qu’elle chercherait avec beaucoup de soin si elle pensait la trouver. Mais pour vous obliger à faire ce que je veux, sachez que c’est une des prisonnières d’Ardée qu’elle s’appelle Cefonie, et que je l’aime si tendrement que vous me ferez un grand plaisir si vous pouvez me la redonner. »

Clélie n’eut pas plutôt dit cela, qu’Horace après avoir commandé aux principaux des siens de prendre garde à elle, poussa son cheval suivi de quelques-uns de ses gens et de quatre hommes de qualité seulement, qui n’avaient pas entendu ce que Clélie avait dit, et fut vers le lieu où il avait vu cette femme et ce vieux berger. Comme le bois n’était pas fort épais, il les aperçut dès qu’il y fut, et les joignit aisément car le guide de cette personne étant à pied et elle aussi, ils n’avaient pu fuir avec beaucoup de diligence. À peine fut-il assez près pour pouvoir être entendu de cette femme, qu’élevant la voix, « De grâce aimable Cefonie, lui dit-il, ne fuyez pas l’admirable Clélie qui m’envoie vers vous, et ne fuyez pas un homme qui connaît votre mérite sans vous connaître et ne cherche qu’à vous servir. »

À ces mots, Cefonie tournant la tête, s’arrêta et reconnut son cher Persandre, qui était un de ceux qui accompagnaient Horace. Mais si elle eut une joie incroyable, Persandre de son côté qui n’était principalement sorti d’Ardée que pour apprendre ce qu’elle était devenue, et qui avait eu beaucoup de douleur de ce que Plotine lui avait dit qu’à son avis elle était avec Tullie, fut si surpris de la voir en ce lieu, qu’à peine pouvait-il parler car Horace avait tant de choses dans l’esprit, qu’il ne lui avait point dit en avançant vers elle que ce fût Cefonie, et Plotine n’avait pas eu le temps de le lui dire tant il avait eu de précipitation à suivre Horace. De sorte qu’à peine Persandre pouvait-il revenir de l’étonnement où il était. Mais pendant qu’Horace avançait vers Cefonie et qu’elle l’attendait sans savoir encore si elle devait croire un homme qu’elle ne connaissait point, ce vieillard qui lui servait de guide ayant tourné la tête et reconnu Horace, acheva de se tourner vers lui et regardant fièrement ce vaillant Romain en lui présentant le fer de sa houlette : « Quoi ! lâche, lui dit-il, Clélie est une seconde fois en ta puissance ! Il ne te suffit pas de me l’avoir arrachée d’entre les bras auprès de Capoue ? »

À ces mots Horace regardant attentivement celui qui lui parlait, connut que c’était Clélius père de Clélie. À peine l’eut-il reconnu, que descendant de cheval, il s’avança vers lui avec une action suppliante. « Eh, généreux Clélius, lui dit-il, que j’ai de joie de me voir en état de réparer mon crime, et de pouvoir remettre entre vos mains cette merveilleuse fille, qu’une trop violente passion me força d’en arracher, car enfin, sachez aujourd’hui que quoique j’aie toujours la même affection pour votre admirable fille, je n’ai pourtant plus les mêmes sentiments. En effet, au lieu de l’enlever, je ne songe qu’à la mener à Rome, et je viens de la tirer de la puissance de Tarquin et de Tullie, comme vous le pouvez savoir de sa bouche, puisqu’elle est à deux cents pas d’ici. Au reste, vous ne pouvez pas douter que la vertu ne soit effectivement revenue dans mon cœur, car je suis à la tête de deux cents chevaux et par conséquent en pouvoir de disposer de la liberté de Clélie. Mais bien loin d’en vouloir user ainsi, je vous offre de la remettre en votre puissance, et de vous escorter jusqu’à Rome sans vous demander autre grâce que d’oublier le passé, et de ne me défendre point de voir la personne que j’adore. »

Informations complémentaires

Poids 230 g
Dimensions 13 × 138 × 204 mm
Disponible

Oui

Genre

Récit historique, Roman

Version papier ou numérique ?

Version numérique (Epub ou PDF), Version papier

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