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Lettres de jeunesse – Voyage à Rio
Édouard Manet
138 x 204 mm – 44 pages – Texte – Noir et blanc – Broché
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Lettres de jeunesse – Voyage à Rio
Édouard Manet
138 x 204 mm – 44 pages – Texte – Noir et blanc – Broché
Samedi 9 décembre 1848
à bord du vaisseau « Havre et Guadeloupe ».
Chère Maman,
Je regretterais que tu ne sois pas venue m’accompagner jusqu’au Havre si je n’avais pas craint une nouvelle séparation et des adieux qui sont toujours si pénibles ; tu aurais vu notre magnifique navire où nous serons on ne peut mieux ; nous y trouverons non seulement le nécessaire mais encore un certain luxe et tout ce confortable console et rassure les pauvres mamans qui sont venues reconduire leurs enfants. J’ai passé aujourd’hui ma journée à arranger mes affaires dans ma case, il y a trente-six lits, je couche dans un hamac, et Maindreville dans un des lits.
Partirons-nous demain, je l’ignore, mais à quatre heures nous nous embarquons ; et nous nous mettons en partance attendant le vent favorable. Ce matin nous avons tous été remplir les formalités demandées à la marine et on nous a inscrits sur le rôle d’équipage. Nous avons vingt-six hommes à bord dont un cuisinier et un maître d’hôtel nègre. Nous avons de plus à l’arrière un très joli salon où il y a un piano.
Adieu, chère Maman, je pars content quoique bien attristé de notre séparation ; et j’espère que ce que te dira Madame Maindreville te tranquillisera complètement ; le confortable dont nous allons jouir m’a étonné.
Dis bien des choses de ma part aux frères, à Edmond, à tous nos amis enfin, sans oublier d’embrasser la bonne grand-mère.
Adieu, chère Maman, je t’embrasse bien tendrement.
Ton fils respectueux
Édouard M.
J’ai été très sensible à la gracieuseté de Jules Munich qui est venu m’attendre au chemin de fer pour nous faire ses adieux.
* * *
Jeudi 14 décembre
Chère Maman,
Je commence à m’habituer au hamac, j’ai bien dormi cette nuit, ce que je n’avais pu faire hier ; nous avons de ce moment-ci un certain tangage, produit par le voisinage de la mer ; car nous sommes dans le dernier bassin, toujours en attente d’un bon vent ; cela nous paraît bien long à tous ; nous passons nos récréations à monter dans la mâture, ce qui promet de me rendre très agile.
La nourriture ne laisse rien à désirer, tout ce qu’on nous donne est excellent : deux plats de viande et du dessert à chaque repas.
On nous a permis d’aller à terre aujourd’hui jusqu’à huit heures du soir, nous descendons avec plaisir, je t’assure.
On a voulu nous donner un certain air militaire en plaçant à bord un homme de quart armé d’un sabre et d’un fusil, c’est aussi une mesure de sûreté ; comme cela il n’y a pas moyen de quitter le bord.
Tes deux lettres m’ont fait bien plaisir, chère Maman, je les attendais ; et je t’assure que je n’oublierai pas tes bons conseils.
Adieu chère Maman, je t’embrasse bien tendrement. Bien des choses à mes frères, à Jules, Paul, à tous nos cousins, à Sophie et ma bonne.
Ton fils respectueux
Édouard
Nous avons tout à fait le costume de marin : chapeau ciré, chemise en molleton, vareuse et pantalon en toile ; cet ensemble fait très bien ; aussi y a-t-il toujours sur le quai une centaine de badauds à nous regarder.
Enfin pour que tu saches bien ce que nous faisons chaque jour, voici l’ordre de la journée.
À sept heures et demie, branle-bas et inspection, récréation jusqu’à neuf heures, à neuf heures déjeuner, à dix heures classe jusqu’à midi, à deux heures classe, à quatre heures dîner, à six heures étude jusqu’à huit heures. On a jusqu’à dix heures pour se coucher parce qu’à cette heure il ne doit plus rester aucune lumière à bord.
* * *
Vendredi 15 décembre
Chère Maman,
Je viens te dire un dernier adieu ; nous partons définitivement demain à neuf heures, nous avons ce soir préparé toutes nos voiles, fait nos derniers préparatifs ; il ne nous manque plus que nos moutons et nos cochons que nous devons prendre au moment de partir. Papa doit venir me faire ses adieux demain à bord ; j’ai été bien heureux de l’avoir jusqu’à mon départ, il a été si bon pour moi pendant tout notre séjour.
Nous avons un temps magnifique pour notre départ de demain, la mer promet d’être très belle. Nous sommes tous enchantés de partir quoique trous soyons ici on ne peut mieux sous tous les rapports, car nous avons pour nous servir quatre pauvres petits mousses et deux novices que l’on mène à coups de pied dans le derrière et à coups de poing, cela les rend diablement obéissants, je t’assure. Notre maître d’hôtel, qui est nègre, comme je te l’ai dit, et qui est chargé de leur éducation, leur flanque de fameuses roulées quand ils ne vont pas bien ; quant à nous, nous n’usons du droit qui nous est acquis de les frapper, nous gardons cela pour les grandes occasions.
Notre chirurgien s’est embarqué aujourd’hui et a l’air d’un gros brave homme.
Adieu donc, chère petite Maman, je t’embrasse bien tendrement ainsi que mes frères Edmond, etc., et grand-mère, si elle est encore à Paris.
Rappelle-moi au souvenir de Jules, de Paul et de mon amie Mme Baudoin qui te consolera mieux de mon départ que toutes les Bonnefonds possibles.
Nous embarquons une yole charmante pour pouvoir faire des promenades dans la rade de Rio de Janeiro. Je te répète, je regrette que tu n’aies pas vu notre navire : il est charmant, c’est un des plus jolis et des plus fins du Havre ; on a tenu plus qu’on avait promis, on ne pouvait rien davantage, on a aussi emporté des hameçons, des lignes pour nous faire pêcher des requins, etc., et les officiers quoique sévères sont très bons enfants ; nous avons du reste à nous bien conduire, car nous sommes soumis au même système pénitentiaire que les matelots, ceux qui feraient quelques bêtises seraient immédiatement mis aux fers ; on y regarde à deux fois, tu peux le croire.
Adieu encore une fois,
ton fils respectueux
Édouard M.
Poids | 85 g |
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Dimensions | 5 × 138 × 204 mm |
Disponible | Correspondance, Oui |
Genre | Relation de voyage |
Édition numérique | Non, Oui |
Édition papier | Non, Oui |
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