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À rebours

Joris-Karl Huysmans

138 x 204 mm – 160 pages – Texte – Noir et blanc – Broché

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UGS : 9782355832321 Catégories : ,

Description

“À rebours” de Joris-Karl Huysmans est une œuvre littéraire emblématique du mouvement décadent du XIXe siècle. Publié en 1884, ce roman singulier se distingue par sa prose raffinée et son exploration audacieuse des désirs et des décadences de l’âme humaine.

L’histoire tourne autour du personnage principal, Jean des Esseintes, un esthète excentrique et solitaire qui se retire de la société parisienne pour s’immerger dans un monde d’esthétisme extrême. À travers les pages de ce roman, Huysmans explore les méandres de l’expérience sensorielle, décrivant les passions artistiques, la recherche de la beauté rare et l’obsession pour l’esthétisme jusqu’à l’excès.

Les excursions littéraires et artistiques de des Esseintes deviennent un voyage intérieur fascinant, marqué par des expériences artistiques, des réflexions philosophiques et des confrontations avec la décadence de la société fin de siècle. En cela, “À rebours” est un regard critique sur la superficialité de la vie mondaine et une plongée profonde dans les recoins sombres de l’âme humaine.

“À rebours” a eu un impact significatif sur la littérature symboliste et décadente, influençant des écrivains tels qu’Oscar Wilde et André Gide. Ce roman provocateur et avant-gardiste a également suscité des débats et des controverses en son temps en remettant en question les normes sociales et artistiques.

En résumé, “À rebours” de Huysmans demeure une œuvre littéraire incontournable, explorant les méandres de la psyché humaine à travers le prisme de l’esthétisme décadent. C’est une plongée profonde dans l’âme tourmentée de son protagoniste, offrant une réflexion poignante sur les limites de la quête de la beauté et de la perfection dans un monde en mutation.

 

 

À en juger par les quelques portraits conservés au château de Lourps, la famille des Floressas des Esseintes avait été, au temps jadis, composée d’athlétiques soudards, de rébarbatifs reîtres. Serrés, à l’étroit dans leurs vieux cadres qu’ils barraient de leurs fortes épaules, ils alarmaient avec leurs yeux fixes, leurs moustaches en yatagans, leur poitrine dont l’arc bombé remplissait l’énorme coquille des cuirasses.

Ceux-là étaient les ancêtres ; les portraits de leurs descendants manquaient ; un trou existait dans la filière des visages de cette race ; une seule toile servait d’intermédiaire, mettait un point de suture entre le passé et le présent, une tête mystérieuse et rusée, aux traits morts et tirés, aux pommettes ponctuées d’une virgule de fard, aux cheveux gommés et enroulés de perles, au col tendu et peint, sortant des cannelures d’une rigide fraise.

Déjà, dans cette image de l’un des plus intimes familiers du duc d’Épernon et du marquis d’O., les vices d’un tempérament appauvri, la prédominance de la lymphe dans le sang, apparaissaient.

La décadence de cette ancienne maison avait, sans nul doute, suivi régulièrement son cours ; l’effémination des mâles était allée en s’accentuant ; comme pour achever l’œuvre des âges, les des Esseintes marièrent, pendant deux siècles, leurs enfants entre eux, usant leur reste de vigueur dans les unions consanguines.

De cette famille naguère si nombreuse, qu’elle occupait presque tous les territoires de l’Île-de-France et de la Brie, un seul rejeton vivait, le duc Jean, un grêle jeune homme de trente ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d’un bleu froid d’acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes.

Par un singulier phénomène d’atavisme, le dernier descendant ressemblait à l’antique aïeul, au mignon, dont il avait la barbe en pointe d’un blond extraordinairement pâle et l’expression ambiguë, tout à la fois lasse et habile.

Son enfance avait été funèbre. Menacée de scrofules, accablée par d’opiniâtres fièvres, elle parvint cependant, à l’aide de grand air et de soins, à franchir les brisants de la nubilité, et alors les nerfs prirent le dessus, matèrent les langueurs et les abandons de la chlorose, menèrent jusqu’à leur entier développement les progressions de la croissance.

La mère, une longue femme, silencieuse et blanche, mourut d’épuisement ; à son tour le père décéda d’une maladie vague ; des Esseintes atteignait alors sa dix-septième année.

Il n’avait gardé de ses parents qu’un souvenir apeuré, sans reconnaissance, sans affection. Son père, qui demeurait d’ordinaire à Paris, il le connaissait à peine ; sa mère, il se la rappelait, immobile et couchée, dans une chambre obscure du château de Lourps. Rarement, le mari et la femme étaient réunis, et de ces jours-là, il se remémorait des entrevues décolorées, le père et la mère assis, en face l’un de l’autre, devant un guéridon qui était seul éclairé par une lampe au grand abat-jour très baissé, car la duchesse ne pouvait supporter sans crises de nerfs la clarté et le bruit ; dans l’ombre, ils échangeaient deux mots à peine, puis le duc s’éloignait indifférent et ressautait au plus vite dans le premier train.

Chez les jésuites où Jean fut dépêché pour faire ses classes, son existence fut plus bienveillante et plus douce. Les Pères se mirent à choyer l’enfant dont l’intelligence les étonnait ; cependant, en dépit de leurs efforts, ils ne purent obtenir qu’il se livrât à des études disciplinées ; il mordait à certains travaux, devenait prématurément ferré sur la langue latine, mais, en revanche, il était absolument incapable d’expliquer deux mots de grec, ne témoignait d’aucune aptitude pour les langues vivantes, et il se révéla tel qu’un être parfaitement obtus, dès qu’on s’efforça de lui apprendre les premiers éléments des sciences.

Sa famille se préoccupait peu de lui ; parfois son père venait le visiter au pensionnat : « Bonjour, bonsoir, sois sage et travaille bien ». Aux vacances, l’été, il partait pour le château de Lourps ; sa présence ne tirait pas sa mère de ses rêveries ; elle l’apercevait à peine, ou le contemplait, pendant quelques secondes, avec un sourire presque douloureux, puis elle s’absorbait de nouveau dans la nuit factice dont les épais rideaux des croisées enveloppaient la chambre.

Informations complémentaires

Poids 180 g
Dimensions 14 × 138 × 204 mm

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