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Le peuple de l’abîme

Jack London

138 x 204 mm – 214 pages – Texte et photographies – Noir et blanc – Broché

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UGS : 9782355832154 Catégories : ,

Description

Il n’est pas facile de se faire admettre dans un asile. J’ai déjà fait deux essais infructueux, et je vais bientôt en faire un troisième. La première fois, je me suis mis en piste à sept heures du soir, avec quatre shillings dans ma poche. J’ai donc commis deux erreurs. Tout d’abord, celui qui cherche à se faire admettre dans un asile doit être vraiment indigent, et, comme il est sujet à une fouille rigoureuse, il doit absolument ne rien avoir sur lui — quatre pence (quatre shillings, à plus forte raison) sont largement suffisants pour lui barrer la porte. Ensuite, j’ai commis la faute d’arriver trop tard. Sept heures du soir, c’est une heure bien trop tardive pour un pauvre en quête d’un lit. Pour l’édification des populations bien pensantes et innocentes auquel ce livre s’adresse, je vais expliquer ce qu’est un asile de nuit. C’est un établissement où l’individu, sans foyer, sans lit, et sans argent, peut éventuellement, s’il en a la chance, faire reposer ses vieux os fatigués, et puis, le lendemain, travailler comme terrassier pour payer ce repos. Mon second essai pour entrer à l’asile avait commencé sous de meilleurs auspices. Je m’étais mis à l’œuvre dès le milieu de l’après-midi, flanqué de mon bouillant jeune socialiste et d’un autre ami, avec pour tout viatique trois pence. Ils m’amenèrent à l’asile de Whitechapel, que je reconnus de loin. Il était cinq heures et quelques minutes, mais déjà une queue longue et mélancolique s’était formée, elle s’étendait au-delà du coin de la rue et allait se perdre dans le lointain. C’était un spectacle très triste que celui de ces hommes et de ces femmes qui attendaient dans la grisaille froide de la fin de la journée, qu’on veuille bien leur donner un abri pour la nuit, et je dois avouer que ce courage faillit me manquer. Tel le petit garçon à la porte du cabinet du dentiste, je me découvris soudain des centaines de bonnes raisons pour m’enfuir. Quelques signes de cette lutte intérieure avaient dû percer sur mon visage, car l’un de mes deux compagnons me dit : « N’aie donc pas peur, vieux… tu es d’une trempe à faire cette expérience. » Certainement, j’étais de cette trempe, mais je devins subitement conscient que même les trois pence que je possédais constituaient un trésor par trop royal pour la foule où je me trouvais, et, afin de supprimer toute cause d’inutile jalousie, je vidai complètement ma poche. Cela fait, je dis au revoir à mes deux compagnons, et le cœur battant un peu plus que de coutume, je me laissai aller au bout de la rue, et pris ma place dans la queue. Cette queue de pauvres gens qui chancelaient au bord de leur descente vertigineuse vers la mort paraissait, de loin, lamentable. Elle l’était encore plus que je ne me l’étais imaginé. À côté de moi, il y avait un homme gros et court. Encore frais et gaillard, bien que très âgé, il avait la peau rugueuse et tannée des gens qui ont sué longtemps les coups du soleil et de la mer. On ne pouvait s’y tromper, c’était un vieux marin. Immédiatement, je me remémorai quelques fragments du « Galérien », de Kipling :

Par la marque sur mon épaule, et la plaie de l’acier tenace
Par la trace du fouet et les cicatrices qui ne guériront jamais
Par mes yeux vieillis à scruter le soleil sur la mer
Je suis bien payé de ce que j’ai fait… 

Informations complémentaires

Poids 280 g
Dimensions 13 × 138 × 204 mm
Disponible

Oui

Genre

Récit historique, Relation de voyage

Édition numérique

Non, Oui

Édition papier

Non, Oui

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