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Voyages aux régions équinoxiales du nouveau continent – Tome 4 – Caracas

A. de Humboldt, A. Bonpland

138 x 204 mm – 122 pages – Texte – Noir et blanc – Broché

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UGS : 9782355832901 Catégories : ,

Description

« Voyages aux régions équinoxiales du Nouveau Continent » est une œuvre majeure de Alexandre de Humboldt, naturaliste et explorateur allemand.

Publiée entre 1805 et 1834, elle relate les expéditions scientifiques et géographiques qu’il a menées avec Aimé Bonpland en Amérique du Sud, en Amérique centrale et au Mexique, de 1799 à 1804. Humboldt y décrit avec précision la faune, la flore, les paysages, les peuples et les cultures qu’il a rencontrés, ainsi que les phénomènes naturels qu’il a observés. Il y expose aussi ses réflexions sur la politique, l’histoire, l’économie et la société des régions visitées. Il y développe une vision globale et interdisciplinaire de la nature, fondée sur l’observation empirique et le raisonnement scientifique. Il y manifeste aussi son admiration pour la beauté et la diversité du monde vivant, ainsi que son souci de la préservation de l’environnement.

Voyages aux régions équinoxiales du Nouveau Continent est considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature de voyage et comme un ouvrage fondateur de la géographie moderne, de l’écologie et de l’ethnologie.

 

Second séjour à Cumana – Tremblement de terre

Météores extraordinaires

Nous restâmes encore un mois à Cumana. La navigation que nous devions entreprendre sur l’Orénoque et le Rio Negro exigeait des préparatifs de tout genre. Il fallait choisir les instruments les plus faciles à transporter dans des canots étroits ; il fallait se munir de fonds pour un voyage de dix mois dans l’intérieur des terres à travers un pays qui est sans communication avec les côtes. Comme la détermination astronomique des lieux était le but le plus important de cette entreprise, j’avais un grand intérêt à ne pas manquer l’observation d’une éclipse de Soleil qui devait être visible à la fin du mois d’octobre. Je préférai rester jusqu’à cette époque à Cumana où le ciel est généralement beau et serein. Il n’était plus temps d’atteindre les rives de l’Orénoque et la haute vallée de Caracas offrait des chances moins favorables, à cause des vapeurs qui s’accumulent autour des montagnes voisines. En fixant avec précision la longitude de Cumana, j’avais un point de départ pour les déterminations chronométriques, les seules sur lesquelles je pouvais compter, lorsque je ne m’arrêtais pas assez longtemps pour prendre des distances lunaires ou pour observer les satellites de Jupiter.

Il s’en fallut de peu qu’un accident funeste ne me forçât à renoncer au voyage à l’Orénoque ou du moins à l’ajourner pour longtemps. Le 27 octobre, veille de l’éclipse, nous allâmes comme de coutume au bord du golfe pour prendre le frais et pour observer l’instant de la pleine mer dont la hauteur, dans ces parages, n’est que de 12 à 15 pouces. Il était huit heures du soir, la brise ne soufflait point encore. Le ciel était couvert et, pendant un calme plat, il faisait une chaleur excessive. Nous traversâmes la plage qui sépare de l’embarcadère le faubourg des Indiens Guaiqueries. J’entendis marcher derrière moi, en me tournant, je vis un homme d’une taille élevée, de la couleur des Zambos et nu jusqu’à la ceinture. Il tenait presque au-dessus de ma tête une macana, gros bâton de bois de palmier, renflé vers le bout en forme de massue. J’évitai le coup en faisant un saut vers la gauche. M. Bonpland qui marchait à ma droite fut moins heureux. Il avait aperçu le Zambo plus tard que moi ; il reçut au-dessus de la tempe un coup qui l’étendit par terre. Nous nous trouvions seuls, sans armes, à une demi-lieue de toute habitation, dans une vaste plaine bordée par la mer. Le Zambo, au lieu de m’attaquer de nouveau, s’éloigna lentement pour saisir le chapeau de M. Bonpland qui, en amortissant un peu la violence du coup, était tombé loin de nous. Effrayé de voir mon compagnon de voyage terrassé et sans connaissance pendant quelques instants, je ne m’occupai que de lui. Je l’aidai à se relever. La douleur et le ressentiment redoublèrent ses forces. Nous nous portâmes sur le Zambo, qui, soit par une lâcheté assez commune dans cette caste, soit parce qu’il aperçut de loin quelques hommes sur la plage, ne nous attendit point et se mit à fuir vers le Tunal, petit bocage de Raquettes et d’Avicennia arborescent. Le hasard le fit tomber en courant ; M. Bonpland, qui l’avait atteint le premier, se prit corps à corps avec lui et s’exposa au danger le plus imminent. Le Zambo tira un long couteau de son caleçon et, dans cette lutte inégale, nous aurions été blessés indubitablement, si des négociants biscayens qui cherchaient le frais sur la plage, n’étaient venus à notre secours. Se voyant entouré, le Zambo ne songea plus à se défendre : il parvint à s’échapper de nouveau et, après que nous l’eûmes suivi longtemps en courant à travers les Cactus épineux, il se jeta comme par lassitude dans une vacherie, d’où il se laissa conduire tranquillement à la prison.

M. Bonpland eut la fièvre pendant la nuit mais, plein de courage et doué de cette gaîté de caractère qu’un voyageur doit regarder comme un des dons les plus précieux de la nature, il continua ses travaux dès le lendemain. Le coup de la macana avait porté jusqu’au sommet de la tête ; il s’en ressentit deux à trois mois pendant le séjour que nous fîmes à Caracas. En se baissant pour ramasser des plantes, il fut plusieurs fois saisi d’un étourdissement qui nous fit craindre qu’il ne se fût formé un dépôt intérieur. Heureusement ces craintes n’étaient pas fondées et des symptômes, d’abord si alarmants, disparurent peu à peu. Les habitants de Cumana nous donnèrent les marques les plus touchantes de leur intérêt. Nous apprîmes que le Zambo était natif d’un des villages indiens qui entourent le grand lac de Maracaybo. Il avait servi sur un corsaire de l’île de Saint-Domingue et, à la suite d’une querelle avec le capitaine, il avait été abandonné sur les côtes de Cumana lorsque le navire avait quitté le port. Ayant vu le signal que nous avions fait placer pour observer la hauteur des marées, il guetta le moment où il pourrait nous attaquer sur la plage. Mais pourquoi après avoir étendu par terre un de nous, semblait-il se contenter du simple vol d’un chapeau ? Dans un interrogatoire qu’il subit, ses réponses furent à la fois si confuses et si stupides, qu’il était impossible d’éclaircir nos doutes ; le plus souvent il soutenait que son intention n’avait pas été de nous voler, mais qu’irrité des mauvais traitements qu’il avait endurés à bord du corsaire de Saint-Domingue, il n’avait pu résister au désir de nous faire du mal, dès qu’il nous avait entendus parler français. Comme la justice est si lente dans ce pays, que les détenus dont regorgent les prisons restent sept à huit ans sans pouvoir obtenir un jugement, nous apprîmes avec quelque satisfaction que, peu de jours après notre départ de Cumana, le Zambo avait réussi à s’échapper du château Saint-Antoine.

Malgré l’accident fâcheux arrivé à M. Bonpland, je me trouvais, le lendemain 28 octobre à cinq heures du matin, sur la terrasse de notre maison pour me préparer à l’observation de l’éclipse. Le ciel était beau et serein. Le croissant de Vénus et la constellation du Navire si éclatante par le rapprochement de ses immenses nébuleuses se perdirent dans les rayons du Soleil levant. J’avais d’autant plus à me féliciter d’un si beau jour que depuis plusieurs semaines les orages qui se formaient régulièrement au sud et au sud-est, deux à trois heures après le passage du Soleil par le méridien, m’avaient empêché de régler les montres par des hauteurs correspondantes. La nuit, une de ces vapeurs roussâtres qui n’affectent guère l’hygromètre dans les basses couches de l’atmosphère, voilait les étoiles. Ce phénomène était d’autant plus extraordinaire que, dans d’autres années, il arrive souvent que pendant trois ou quatre mois on ne voit pas la moindre trace de nuages et de vapeurs. J’eus une observation complète du progrès et de la fin de l’éclipse. Je déterminai la distance des cornes ou les différences de hauteurs et d’azimut par le passage aux fils du quart de cercle. La fin de l’éclipse était à
2 h 14’ 23,4’’, temps moyen de Cumana. Le résultat de mon observation, calculée d’après les anciennes tables par M. Ciccolini, à Bologne et par M. Triesnecker à Vienne, a été publié dans la Connaissance des temps.1 Ce résultat ne différait pas moins que de 19’’ en temps de la longitude que j’avais obtenue par le chronomètre ; mais recalculée par M. Oltmanns d’après les nouvelles tables lunaires de Burg et les tables du Soleil de Delambre, l’éclipse et le chronomètre se sont accordés à 10’’ près. Je cite cet exemple remarquable d’une erreur réduite à 1/7 par l’emploi des nouvelles tables, pour rappeler aux voyageurs combien il est de leur intérêt de noter et de publier jusqu’aux moindres détails de leurs observations partielles. L’harmonie parfaite trouvée sur les lieux mêmes, entre les satellites de Jupiter et les résultats chronométriques, m’avait inspiré beaucoup de confiance dans la marche du garde-temps de Louis Berthoud, chaque fois qu’il n’était point exposé aux fortes secousses des mulets.2

1An 9, p142. Zach, Mon. Corresp. Vol. I, p596 (Voyez aussi la note A à la fin de ce 4e livre).

2Voici les résultats de lensemble de mes observations de longitude faites à Cumana en 1799 et 1800 : Par le transport du temps de la Corogne  : 4 h 264’’

Par dix Tm. et Em. des Satellites  : 4 h 266’’

Par des distances lunaires  : 4 h 25 32’’

Par l’éclipse du soleil  : 4 h 2555’’

Long. de Cumana  : 4 h 2554’’

Voyez mes Obs. astron., Vol. I, p64 – 86

Informations complémentaires

Poids 185 g
Dimensions 11 × 138 × 204 mm
Disponible

Oui

Genre

Relation de voyage

Version papier ou numérique ?

Version numérique (Epub ou PDF), Version papier

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