Tous les livres
11,00 €
Gamiani
Alfred de Musset
138 x 204 mm – 62 pages – Texte – Noir et blanc – Broché
11,00 €
Gamiani
Alfred de Musset
138 x 204 mm – 62 pages – Texte – Noir et blanc – Broché
Minuit sonnait, et les salons de la comtesse Gamiani resplendissaient encore de l’éclat des lumières.
Les rondes et les quadrilles s’animaient, s’emportaient aux sons d’un orchestre enivrant. Les toilettes étaient merveilleuses, les parures étincelaient.
Gracieuse, empressée, la maîtresse du bal semblait jouir du succès d’une fête préparée et annoncée à grands frais. On la voyait sourire agréablement à tous les mots flatteurs, aux paroles d’usage que chacun lui prodiguait pour payer sa présence.
Renfermé dans mon rôle habituel d’observateur, j’avais déjà fait plus d’une remarque qui me dispensait d’accorder à la comtesse Gamiani le mérite qu’on lui supposait. Comme femme du monde, je l’eus bientôt jugée ; il me restait à disséquer son être moral, à porter le scalpel dans les régions du cœur ; et je ne sais quoi d’étrange, d’inconnu me gênait, m’arrêtait dans mon examen. J’éprouvais une peine infinie à démêler le fond de l’existence de cette femme dont la conduite n’expliquait rien.
Encore jeune, avec une immense fortune, jolie au goût du grand nombre, cette femme sans parents, sans amis dévoués, s’était en quelque sorte individualisée dans le monde. Elle dépensait seule une existence capable, en toute apparence, de supporter plus d’un partage.
Bien des langues avaient glosé, finissant toujours par médire ; mais, faute de preuves, la comtesse demeurait impénétrable.
Les uns l’appelaient une Fœdora, une femme sans cœur et sans tempérament : d’autres lui supposaient une âme profondément blessée et qui veut désormais se soustraire aux déceptions cruelles.
Voulant sortir du doute, je mis à contribution toutes les ressources de ma logique, mais ce fut en vain, je n’arrivai jamais à une conclusion satisfaisante.
Dépité, j’allais quitter mon sujet, lorsque, derrière moi, un vieux libertin levant la voix jeta cette exclamation : « Bah ! C’est une tribade ».
Le mot fut un éclair, tout s’enchaînait, s’expliquait. Il n’y avait plus de contradiction possible.
Une tribade ! Oh ! Ce mot retentit à l’oreille d’une manière étrange. Puis il élève en nous je ne sais quelles images confuses de voluptés inouïes, lascives à l’excès. C’est la rage luxurieuse, la lubricité forcenée, la jouissance horrible qui reste inachevée.
Vainement, j’écartai ces idées ; elles mirent un instant mon imagination en débauche.
Je voyais déjà la comtesse nue, dans les bras d’une autre femme, les cheveux épars, pantelante, abattue, et que tourmente encore un plaisir avorté.
Mon sang était en feu, mes sens grondaient, je tombai comme étourdi sur un sofa.
Revenu de cette émotion, je calculai froidement ce que j’avais à faire pour surprendre la comtesse : il le fallait à tout prix.
Je me décidai à l’observer pendant la nuit, à me cacher dans sa chambre à coucher. La porte vitrée d’un cabinet de toilette faisait face au lit. Je compris tout l’avantage de cette position ; et me dérobant derrière quelques robes suspendues, je me résignai patiemment à attendre l’heure du sabbat. J’étais à peine blotti que la comtesse parut, appelant sa camériste, jeune fille au teint brun, aux formes accusées : « Julie, je me passerai de vous ce soir. Cou- chez-vous. Ah ! Si vous entendiez du bruit dans ma chambre, ne vous dérangez pas, je veux être seule ».
Ces paroles promettaient presque un drame. Je m’applaudissais de mon audace. Peu à peu, les voix du salon s’affaiblirent ; la comtesse
resta seule avec une de ses amies, Mlle Fanny B. Toutes deux se trouvèrent bientôt dans la chambre et devant mes yeux.
Fanny
Quel fâcheux contretemps ! La pluie tombe à torrents, et pas une voiture !
Gamiani
Je suis désolée comme vous ; par malencontre, ma voiture est chez le sellier.
Fanny
Ma mère sera inquiète.
Gamiani
Soyez sans crainte, ma chère Fanny, votre mère est prévenue, elle sait que vous passez la nuit chez moi. Je vous donne l’hospitalité.
Fanny
Vous êtes trop bonne en vérité. Je vais vous causer de l’embarras.
Gamiani
Dites un plaisir. C’est une aventure qui me divertit… Je ne veux pas vous envoyer coucher seule dans une autre chambre, nous reste– rons ensemble.
Fanny
Pourquoi ? Je dérangerai votre sommeil.
Poids | 70 g |
---|---|
Dimensions | 5 × 138 × 204 mm |
Disponible | Oui |
Genre | Érotique |
Seuls les clients connectés ayant acheté ce produit ont la possibilité de laisser un avis.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.