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Voyages aux régions équinoxiales du nouveau continent – Tome2 – Cumana

A. de Humboldt, A. Bonpland

138 x 204 mm – 136 pages – Texte – Noir et blanc – Broché

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UGS : 9782355832833 Catégories : ,

Description

“Voyages aux régions équinoxiales du Nouveau Continent” est une œuvre majeure de Alexandre de Humboldt, naturaliste et explorateur allemand.

Publiée entre 1805 et 1834, elle relate les expéditions scientifiques et géographiques qu’il a menées avec Aimé Bonpland en Amérique du Sud, en Amérique centrale et au Mexique, de 1799 à 1804. Humboldt y décrit avec précision la faune, la flore, les paysages, les peuples et les cultures qu’il a rencontrés, ainsi que les phénomènes naturels qu’il a observés. Il y expose aussi ses réflexions sur la politique, l’histoire, l’économie et la société des régions visitées. Il y développe une vision globale et interdisciplinaire de la nature, fondée sur l’observation empirique et le raisonnement scientifique. Il y manifeste aussi son admiration pour la beauté et la diversité du monde vivant, ainsi que son souci de la préservation de l’environnement.

Voyages aux régions équinoxiales du Nouveau Continent est considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature de voyage et comme un ouvrage fondateur de la géographie moderne, de l’écologie et de l’ethnologie.

Premier séjour à Cumana – Rives du Manzanares

Nous étions arrivés au mouillage, vis-à-vis de l’embouchure du Rio Manzanares, le 16 juillet, à la pointe du jour, mais nous ne pûmes débarquer que très tard dans la matinée parce que nous fûmes obligés d’attendre la visite des officiers du port. Nos regards étaient fixés sur des groupes de cocotiers qui bordaient la rivière et dont les troncs excédant soixante pieds de hauteur dominaient le paysage. La plaine était couverte de touffes de Casses, de Capparis et de ces Mimoses arborescentes qui, semblables au pin de l’Italie, étendent leurs branches en forme de parasol. Les feuilles pennées des palmiers se détachaient sur l’azur d’un ciel dont la pureté n’était troublée par aucune trace de vapeurs. Le Soleil montait rapidement vers le zénith. Une lumière éblouissante était répandue dans l’air sur les collines blanchâtres parsemées de Cactiers cylindriques, et sur cette mer toujours calme dont les rives sont peuplées d’Alcatras,1 d’Aigrettes et de Flamants. L’éclat du jour, la vigueur des couleurs végétales, la forme des plantes, le plumage varié des oiseaux tout annonçait le grand caractère de la nature dans les régions équatoriales.

La ville de Cumana, capitale de la Nouvelle-Andalousie, est éloignée d’un mille de l’embarcadère ou de la batterie de la Bocca, près de laquelle nous avions pris terre, après avoir passé la barre du Manzanares. Nous eûmes à parcourir une vaste plaine,2 qui sépare le faubourg des Guayqueries des côtes de la mer. L’excessive chaleur de l’atmosphère était augmentée par la réverbération du sol en partie dénué de végétation. Le thermomètre centigrade, plongé dans le sable blanc, s’élevait à 37,7°. Dans de petites mares d’eau salée, il se soutenait à 30,5° tandis que la chaleur de l’Océan, à sa surface, est généralement, dans le port de Cumana,3 de 25,2° à 26,3°. La première plante que nous cueillîmes sur le continent de l’Amérique était l’Avicennia tomentosa4 qui dans cet endroit atteint à peine deux pieds de hauteur. Cet arbuste, le Sesuvium, le Gomphrena jaune et les Cactiers couvrent les terrains imprégnés de muriate de soude ; ils appartiennent à ce petit nombre de végétaux qui vivent en société comme la bruyère de l’Europe, et qui ne se trouvent dans la zone torride que sur les rivages de la mer et sur les plateaux élevés des Andes.5 L’avicennia de Cumana se distingue par une autre particularité non moins remarquable : elle offre l’exemple d’une plante commune aux plages de l’Amérique méridionale et aux côtes du Malabar.

Le pilote indien nous fit traverser son jardin qui ressemblait plutôt à un taillis qu’à un terrain cultivé. Il nous montra, comme une preuve de la fertilité de ce climat, un Fromager (Bombax heptaphyllum) dont le tronc dans sa quatrième année avait atteint près de deux pieds et demi de diamètre. Nous avons observé, sur les bords de l’Orénoque et de la rivière de la Madeleine, que les Bombax, les Carolinea, les Ochroma et d’autres arbres de la famille des Malvacées, prennent un accroissement extrêmement rapide. Je pense cependant qu’il y a eu quelque exagération dans le rapport de l’Indien sur l’âge du Fromager, car sous la zone tempérée dans les terrains humides et chauds de l’Amérique septentrionale, entre le Mississippi et les Monts Aleghany, les arbres n’excèdent pas un pied de diamètre6 en dix ans, et la végétation n’y est en général que d’un cinquième plus accélérée qu’en Europe, même en prenant pour exemple le Platane d’Occident, le Tulipier et le Cupressus disticha qui acquièrent de neuf à quinze pieds de diamètre. C’est aussi sur la plage de Cumana, dans le jardin du pilote guayquerie, que nous vîmes pour la première fois, un Guama7 chargé de fleurs et remarquable par l’extrême longueur et l’éclat argenté de ses nombreuses étamines. Nous traversâmes le faubourg des Indiens dont les rues sont très bien alignées et formées de petites maisons toutes neuves et d’un aspect riant. Ce quartier de la ville venait d’être reconstruit à cause du tremblement de terre qui avait ruiné Cumana, dix-huit mois avant notre arrivée. À peine eûmes-nous passé sur un pont de bois le Rio Manzanares qui nourrit quelques Bavas ou crocodiles de la petite espèce, que nous vîmes partout les traces de cette horrible catastrophe ; de nouveaux édifices s’élevaient sur les décombres des anciens.

Nous fûmes conduits par le capitaine du Pizarro chez le gouverneur de la province, Don Vicente Emparan, pour lui présenter les passeports qui nous avaient été donnés par la première secrétairerie d’État. Il nous reçut avec cette franchise et cette noble simplicité qui, de tout temps, ont caractérisé la nation basque. Avant d’avoir été nommé gouverneur de Portobelo et de Cumana, il s’était distingué comme capitaine de vaisseau dans la marine royale. Son nom rappelle un des événements les plus extraordinaires et les plus affligeants que présente l’histoire des guerres maritimes. Lors de la dernière rupture entre l’Espagne et l’Angleterre, deux frères de M. d’Emparan se battirent pendant la nuit, devant le port de Cadix, l’un prenant le vaisseau de l’autre pour une embarcation ennemie. Le combat fut si terrible que les deux vaisseaux coulèrent presque à la fois. Une très petite partie des équipages fut sauvée et les deux frères eurent le malheur de se reconnaître peu de temps avant leur mort.

Le gouverneur de Cumana nous témoigna beaucoup de satisfaction de la résolution que nous avions prise de séjourner quelque temps dans la Nouvelle-Andalousie, dont le nom à cette époque, était presque inconnu en Europe et qui dans ses montagnes et sur le bord de ses nombreuses rivières, renferme un grand nombre d’objets dignes de fixer l’attention des naturalistes. M. d’Emparan nous montra des cotons teints avec des plantes indigènes et de beaux meubles pour lesquels on avait employé exclusivement les bois du pays : il s’intéressait vivement à tout ce qui a rapport à la physique et il demanda, à notre grand étonnement, si nous pensions que sous le beau ciel des Tropiques, l’atmosphère contenait moins d’azote (azotico) qu’en Espagne, ou si la rapidité avec laquelle le fer s’oxyde dans ces climats, était uniquement l’effet d’une plus grande humidité indiquée par l’hygromètre à cheveu. Le nom de la patrie, prononcé sur une côte lointaine, ne saurait être plus agréable à l’oreille du voyageur, que ne l’étaient pour nous ces mots d’azote, d’oxyde de fer et d’hygromètre. Nous savions que malgré les ordres de la cour et les recommandations d’un ministre puissant, notre séjour dans les colonies espagnoles nous exposerait à des désagréments sans nombre si nous ne parvenions à inspirer un intérêt particulier à ceux qui gouvernent ces vastes contrées. M. d’Emparan aimait trop les sciences pour trouver étrange que nous vinssions de si loin recueillir des plantes et déterminer la position de quelques lieux par des moyens astronomiques. Il ne supposa d’autres motifs à notre voyage que ceux qui étaient énoncés dans nos passeports, et les marques publiques de considération qu’il nous a données pendant un long séjour dans son gouvernement ont beaucoup contribué à nous procurer un accueil favorable dans toutes les parties de l’Amérique méridionale.

Nous fîmes débarquer nos instruments vers le soir et nous eûmes la satisfaction de trouver qu’aucun n’avait été endommagé. Nous louâmes une maison spacieuse et dont l’exposition était favorable pour les observations astronomiques. On y jouissait d’une fraîcheur agréable lorsque la brise soufflait ; les fenêtres étaient dépourvues de vitres et même de ces carreaux de papier qui le plus souvent, remplacent les vitres à Cumana. Tous les passagers du Pizarro quittèrent le bâtiment, mais la convalescence de ceux qui avaient été attaqués de la fièvre maligne était très lente. Nous en vîmes qui après un mois, malgré les soins qui leur avaient été donnés par leurs compatriotes, étaient encore d’une faiblesse et d’une maigreur effrayantes.

L’hospitalité, dans les colonies espagnoles, est telle qu’un Européen qui arrive sans recommandation et sans moyens pécuniaires est presque sûr de trouver du secours s’il débarque dans quelque port pour cause de maladie. Les Catalans, les Galiciens et les Biscayens ont les rapports les plus fréquents avec l’Amérique. Ils y forment comme trois corporations distinctes qui exercent une influence remarquable sur les mœurs, l’industrie et le commerce colonial. Le plus pauvre habitant de Siges ou de Vigo est sûr d’être reçu dans la maison d’un Pulpero8 Catalan ou Galicien soit qu’il arrive au Chili, au Mexique ou aux îles Philippines. J’ai vu les exemples les plus touchants de ces soins rendus à des inconnus pendant des années entières et toujours sans murmure. On a dit que l’hospitalité était facile à exercer dans un climat heureux où la nourriture est abondante, où les végétaux indigènes fournissent des remèdes salutaires et où le malade, couché dans un hamac, trouve sous un hangar l’abri dont il a besoin. Mais doit-on compter pour rien l’embarras causé dans une famille par l’arrivée d’un étranger dont on ne connaît pas le caractère ? Est-il permis d’oublier ces témoignages d’une douceur compatissante, ces soins affectueux des femmes et cette patience qui ne se lasse point dans une longue et pénible convalescence ? On a remarqué qu’à l’exception de quelques villes très populeuses, l’hospitalité n’a pas encore diminué d’une manière sensible depuis le premier établissement des colons espagnols dans le Nouveau Monde. Il est affligeant de penser que ce changement aura lieu lorsque la population et l’industrie coloniale feront des progrès plus rapides et que cet état de la société, que l’on est convenu d’appeler une civilisation avancée, aura banni peu à peu « la vieille franchise castillane. »

Parmi les malades qui débarquèrent à Cumana, se trouvait un nègre qui tomba en démence peu de jours après notre arrivée : il mourut dans cet état déplorable quoique son maître, vieillard presque septuagénaire qui avait quitté l’Europe pour chercher un établissement à San Blas, à l’entrée du golfe de Californie, lui eût prodigué tous les secours imaginables. Je cite ce fait pour prouver qu’il arrive quelquefois que des hommes nés sous la zone torride après avoir habité les climats tempérés, éprouvent les effets pernicieux de la chaleur des tropiques. Le nègre était un jeune homme de dix-huit ans, très robuste et né sur la côte de Guinée. Un séjour de quelques années sur le plateau des Castilles avait donné à son organisation ce degré d’excitabilité qui rend les miasmes de la zone torride si dangereux pour les habitants des pays septentrionaux.

Le sol qu’occupe la ville de Cumana fait partie d’un terrain très remarquable sous le point de vue géologique. Comme depuis mon retour en Europe, d’autres voyageurs m’ont devancé dans la description de quelques parties des côtes qu’ils ont visitées après moi, je dois me borner ici à donner du développement aux observations vers lesquelles leurs études n’étaient point dirigées. La chaîne des Alpes calcaires du Bergantin et du Tataraqual se prolonge de l’est à l’ouest depuis la cime de l’Imposible jusqu’au port de Mochima et au Campanario. La mer, dans des temps très reculés paraît avoir séparé ce rideau de montagnes de la côte rocheuse d’Araya et de Maniquarez. Le vaste golfe de Cariaco est dû à une irruption pélagique et l’on ne saurait douter qu’à cette époque les eaux ont couvert, sur la rive méridionale, tout le terrain imprégné de muriate de soude que traverse le Rio Manzanares. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le plan topographique de la ville de Cumana pour prouver ce fait aussi indubitable que l’ancien séjour de la mer dans le bassin de Paris, d’Oxford et de Rome. Une retraite lente des eaux a mis à sec cette plage étendue dans laquelle s’élève un groupe de monticules composés de gypse et de brèches calcaires, de la formation la plus récente.

1Pélican brun de la taille du cygne ; Buffon, Pl. enlum., n.° 957. Pelicanus fuscus, Lin. (Oviedo, Lib. XIV, c. 6.

2Sadado

3En réunissant un grand nombre d’expériences faites en 1799 et 1800 à différentes saisons, je trouve que dans le port de Cumana, au nord du Cerro Colorado, la mer est pendant le jusant, de 0,8° plus chaude que pendant le flot, quelle que soit l’heure de la marée. Je consignerai ici l’observation du 20 octobre qui peut presque servir de type, et qui a été faite sur un point des côtes où la mer, à 150 toises de distance, à déjà 30 ou 40 brasses de profondeur. À dix heures du matin : jusant, 26,1° ; air, près de la côte, 27,4° ; air, près de la ville, 30,2° ; eau du Manzanares, 25,2°. À quatre heures de l’après-midi : mer montante, 25,3° ; air, près des côtes, 26, 2° ; air à Cumana, 28,1° ; eau du Manzanares, 25,7°.

4Mangle prieto.

5Sur l’extrême rareté des plantes sociales entre les Tropiques (voyez l’Essai sur la Géog. des plantes, p. 19) et un Mémoire de M. Brown, sur les Protéacées (Trans. of the Lin. Soc., Vol. X, P.1, p.23), dans lequel ce grand botaniste a étendu et confirmé par des faits nombreux, mes idées sur les associations des végétaux d’une même espèce.

6À cinq pieds de terre. Ces mesures sont d’un excellent observateur, M. Michaux.

7Inga spurici, qu’il ne faut pas confondre avec l’Inga commun ou Inga vera, Willd. (Mimosa Inga, Lin.). Les étamines blanches au nombre de soixante à soixante-dix sont attachées à une corolle verdâtre, ont un éclat soyeux et sont terminées par une anthère jaune. La fleur du Guama a 18 lignes de long. La hauteur commune de ce bel arbre qui préfère les endroits humides, est de 8 à 10 toises (≈ 16 à 20 m).

8Petit marchand.

Informations complémentaires

Poids 200 g
Dimensions 11 × 138 × 204 mm
Disponible

Oui

Genre

Relation de voyage

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Version numérique (Epub ou PDF), Version papier

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